lundi 15 septembre 2014

* Franky raconte l'UTMB 2014

Vendredi 29 août 2014
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UTMB      TDS 
168km et 9600D+    119km et 7250D+  
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L’UTMB est un rêve pour tout coureur, 
c’est la plus grande course du monde
Beaucoup de monde m’a laissé des messages de soutien, je ne peux tous les rappeler  pour les remercier  et ressasser à chaque fois le même discours. Je te laisse le soin de poster sur le blog mes commentaires sur l’UTMB , bien qu’il me soit difficile à l’heure actuelle d’en parler  vu le dénouement pour moi.
L’UTMB est un rêve pour tout coureur, c’est la plus grande course du monde, celle que tu rêves d’accrocher à ton « palmarès » de petit coureur amateur et dire : « ça y est !  Je peux dormir tranquille ! »  . J’ai entendu beaucoup de conneries à son sujet de par des  coureurs qui eux-mêmes ne l’avaient jamais couru : « c’est une course facile, une autoroute, ce n’est pas technique… », un seul m’avait annoncé la couleur…Laurent. « Tu verras c’est un autre monde, même si t’es entraîné, il peut t’arriver plein de choses, il faut de la chance, les meilleurs craquent ! »

Vendredi 29.08.14 17H25 : on est entassé avec Pascal, Christian, Laurent  ‘’place triangle de l’amitié à Chamonix’’, serrés comme des sardines depuis 1h45 du matin…. Le départ va être donné sous la pluie. « Conquest of paradise » est lancé, les coureurs se regardent furtivement, la tension est palpable, comme l’émotion et les yeux embuées de certains coureurs. 74 nations sont représentées. Je demande à mon voisin si c’était son 1er UTMB. Il me répond : « c’est le 4ème, 2 abandons et 2 finish, mais j’ai toujours aussi peur avant le départ ! ».
Christian m’avait prévenu: 
"Attention, ça va pousser "
.Il reste 1 minute. Avec Pascal on prend le risque de chercher dans notre sac à dos (5.8kg !) la veste gore-tex, on est déjà trempé. Mais ça le fait ! TOP c’est parti !
Christian m’avait prévenu «  Attention, ça va pousser ! Ils partent comme un « 10km » ! C’est l’effet UTMB ! On arrive à saluer nos familles, Lolo, Thérèse, Janique et les enfants sont au premier croisement, Jean Marc également, cassé malgré tout après sa superbe performance à la TDS….Putain c’est fort, quel pied, jamais connu ça ,même pas à NY.

Pendant 8 km on court, gagné par l’euphorie et les applaudissements qui n’en finissent pas…un autre monde, une autre planète, quel respect de la part  des spectateurs. On arrive « aux Houches » , première montée qui calme, tout le monde alterne marche et  course , en fonction du pourcentage de la pente, le rythme est déjà élevé car les premières barrières horaires sont serrées. On arrive au col du Délevret puis on amorce la descente dans les prés boueux et glissants jusqu’à St GERVAIS , il y a déjà des chutes et des abandons, incroyables ! Pourtant ils ont tous les 7 points qualificatifs ! On court prudemment dans les descentes (moi c’est par défaut !). Il fait déjà nuit, on prend le risque de courir sans les frontales jusqu’à St Gervais, guidés par celles des autres coureurs (stratégie d’économie !).

Premier RAVITO, on est trempé, pas de tentes pour s’abriter, on va sous la tonnelle d’un restaurant, on se change complètement avec Pascai. On perd énormément de temps, on  n’a plus que 15 mn sur les barrières horaires. Je décide de rattraper le temps perdu en prenant le risque de courir les montées jusqu’à « Notre Dame de la Gorge » km 31. Pascal doit vomir (problèmes digestifs) et me dit d’y aller.
Le plus dur a été pour moi de courir dans la nuit
 sans pouvoir communiquer avec quiconque.
La grimpée jusqu’à la « Croix du Bonhomme » est interminable sous la pluie, suivi « du col de seigne » ou l’on bascule en Italie sous le lever du soleil radieux et d’un Mont Blanc au sommet de sa beauté.  Les barrières horaires sont plus espacées. J’ai gagné 1h30 mais il m’en faudra d’avantage en cas de défaillance. Le plus dur a été pour moi de courir dans la nuit sans pouvoir communiquer avec quiconque. Tous étrangers ! Je me suis coltiné 2 Italiens pendants 4 h, impossible à semer en monté et encore moins en descente, ils avaient le même rythme et n’arrêtaient jamais de parler, j’ai pris un doliprane ! Ouf ! Au ravito du lac Combal (km 64) je prends moins de temps qu’eux pour déjeuner.   
Je prends le temps de m’étirer et fait une check list rapide, les sensations sont bonnes, vivement Courmayeur, ou les familles nous attendent ! Je n’ai aucune nouvelle des autres, j’ai coupé mon téléphone malgré le règlement, préférant rester concentré sur ma course.

La vue est splendide jusqu’à l’Arête du Mont Favre, la longue descente jusqu’à Courmayeur va faire mal aux « quadris ». Il faut gérer, petits pas rapides dans les rochers et relancer sur les parties moins techniques.
Je ne regarde surtout pas mes ampoules et ongles, 
déjà explosés par cette première partie.
.Courmayeur enfin ! Après une descente aux escaliers interminables, une longue route me permet d’allonger ma foulée jusqu’aux encouragements bienvenus des enfants, lolo, janique, thérèse.  J’apprends à ce moment-là, l’arrêt de Pascal et Christian pour entorse. Je prends le temps de changer mes chaussures et chaussettes trempées, je ne regarde surtout pas mes ampoules et ongles, déjà explosés par cette première partie. Je profite également des kinés pour remettre mon dos en place. Beaucoup de participants dorment dans un espace réservé pour eux. Je n’ose y songer, par peur de ne plus me réveiller et de retrouver des jambes de béton armées.

J’embrasse ma famille, et je repars confiant après 78km pour cette 2ème partie. Il ne me reste que la CCC à faire (je l’avais fait en 2012 avec la 7ème compagnie : 88 km et 4500m, elle avait été écourtée par les mauvaises conditions météos.) Je repars avec plus de 3 h d’avance sur les barrières horaires et avec peut-être trop d’enthousiasme remonte tous les coureurs devant moi jusqu’au refuge de Bertone (700m/h), une bonne partie me rattrapent cependant dans la descente sur Arnuva, ce qui m’enrage (km 95). Plutôt que me reposer de ce dénivelé négatif, j’enchaîne par la longue grimpette du « col ferret » 2700m.Pour une fois je ne dépasse plus personne dans la montée et j’accuse un coup de moins bien au 100éme, je prends froid. Sauvé enfin au sommet du col ferret. Vite je le passe rapidement, les rafales de vent sont omniprésentes ! Les 17 km de descente jusqu’à la Praz de fort me marquent les cuisses et me rappellent que me dos ne me laissera aucun répit, mais c’est l’UTMB, l’envie est plus forte que tout ! Je rencontre un Alsacien qui est couché, les tendons sont trop douloureux, il arrête, 700 ont déjà abandonné à ce stade. Je rencontre Sébastien, un jeune de Chambéry que j’avais croisé à Courmayeur, on reste ensemble, pu….….ça fait du bien de communiquer, on amorce la montée vers « Champex », la nuit tombe vers 20h, je suis bien, heureux d’être là, dans la dernière pente j’entends crier, Lolo et Dana ma fille qui m’attendent…wouahhhhh.

Ils m’aident à me changer, me ravitailler, pâtes, compote, saucisson, bières…..non je plaisante…potage. Lolo me dit « profites en pour dormir un peu… comme d’autres » , avec Sébastien mon compagnon de route on plaisante « Nous on a pas envie d’avoir les hallucinations ! ».On a une barrière horaire confortable, j’anticipe de trop et oublie qu’une course se termine la ligne franchie !

« Laurence, prépares la bouteille de schnaps que mes collègues m’ont offerte, je franchirai la ligne d’arrivée avec ! »On est au 122 éme, on est 850 éme et on sera sous les 40h.

Le pas a nettement changé entre-temps, nous « courrotons », un bobo est apparu   au niveau de mon genoux, je l’ai entièrement strappé. Nous sommes quasi seuls dans la montée vers la bovine, toujours aussi raide et caillouteuse, on descend rapidement à Trient pour nous ravitailler dans la tente. « Le DJ voit mon prénom et lance le fameux tube « vas-y- francky c’est bon » je souri. On se dépêche avec Seb, on prend vite froid, on remonte tout le monde dans la montée vers Catogne, mais lentement et sournoisement mon cerveau me donne des signaux d’alerte. (Les bribes de souvenirs reviendront m’ont dit les médecins). A Catogne, je remets en cause le tracé en confirmant aux pointeurs que Catogne se trouvait plus haut. Dans la descente vers Vallorcine, je titube et avance lentement, je demande à  Sébastien qui il était et qu’est-ce- qu’on faisait ! Il prend conscience je crois de mon état (il a déjà fait l’UTMB). Je m’arrête et crois voir une cascade de 100m et stoppe les coureurs pour qu’ils l’observent ! (Laurent me dira plus tard qu’elle n’existait pas).On est à 2 km de Vallorcine et je refuse d’avancer prétextant que j’étais dans un rêve et que j’étais déjà finisher de l’UTMB. Il reste en réalité 18 km et  on a 8h d’avance sur les barrières horaires. Sébastien continue et va prévenir les secours de mes hallucinations. Je perds l’équilibre plusieurs fois dans la descente et tombe sans me blesser fort heureusement. 
Je n’ai plus conscience de la réalité, 
et me crois dans un rêve,

Je n’ai plus conscience de la réalité, et me crois dans un rêve, tout me paraît faux, j’hésite à sauter dans la cascade qui n’existe pas ! 2 coureurs, un japonais et un brésilien me prennent en charge, m’habillent  et m’aident à descendre lentement jusqu’à Vallorcine. Nous croisons les secours qui m’allongent me couvrent et prennent ma tension… « 8 » . Ils appellent le poste. Je mange et reprends peu à peu conscience. Soudain l’un deux m’arrachent le dossard, et me dit que je ne repartirai plus…Je refuse, il me dit « bon on verra ce que médecin en dira ! Appelez votre femme» J’appelle Laurence, qui attendait mon arrivée à Vallorcine depuis 2h ! Je lui passe les secouristes qui s’écartent de moi pour communiquer avec elle. Les secouristes me font monter dans la voiture jusqu’au poste de secours ou je m’endors une heure. A mon réveil  le médecin reprend ma tension 13.5, je veux repartir, il reste 18km et 6h, je peux le faire ! Il me fait un test et m’y autorise, Laurence m’annonce et lui annonce que les organisateurs m’avaient arrêté  depuis longtemps ! C’est un cauchemar, Patrick Mentzer est venu exprès à Vallorcine et apprend avant moi que les organisateurs m’ont arrêté, il n’ose venir me le dire et me saluer, je le remercie et le comprends, j’aurai fait pareil ». J’essaye de relativiser, et je me dis que mon arrêt devait être justifié du fait de mes hallucinations. Un autre participant a connu le même dénouement. 

Le médecin a diagnostiqué une perte importante de sodium par l’absorption d’une quantité d’eau trop importante, et par le manque de sommeil.  Voilà, je souhaite aux futurs participants de l’UTMB plus de réussite, je ne suis pas finisher j’aurai juste parcouru 150.20 km et 8870 m de dénivelé. Merci à ceux qui m’ont soutenu, mes amis proches de toujours. Merci  à Laurent qui est un second frangin, qui m’a fait confiance et fait progresser, je me suis entraîné comme jamais,  merci à mes enfants et Laurence qui ont sacrifié beaucoup de temps pour mon confort perso.

......si je le referai ? 
Pour l’instant je suis encore dans un cauchemar……

Franky